Témoignages

Transition chaussures / pieds nus (témoignage de Joël)

D'abord, il ne s'agissait pas d'une décision soudaine. Cela faisait longtemps que des lectures orientées sur l'efficacité de la foulée, le lien entre chaussure à amorti et foulée, entre foulée et blessures, avaient commencé à m'interroger, et à m'inciter à délaisser peu à peu les chaussures typées entraînement pour des chaussures plus sobres typées compétition. En plus le prix avait tendance à être moins élevé alors... L'achat d'une paire de minimalistes en début d'année était dans la continuité de cette logique et aussi une manière de diversifier encore plus ma pratique de la course.

Là où les choses ont un peu basculé, c'est que je me suis très vite aperçu que courir avec des minimalistes ça ne s'improvise pas. Très peu de protection, mais en même temps encore trop pour courir vraiment comme il faudrait. Je les ai vite rangées, de peur d'en faire trop, trop vite.

Par contre, pieds nus, il était évident que la foulée était immédiatement correcte. Mais au début on ne tient vraiment pas longtemps avant d'avoir mal. On peut considérer cela comme un mécanisme ingénieux du corps pour limiter les excès. Comme c'était très agréable et tentant d'aller plus loin (curiosité de savoir jusqu'où on peut aller), et que je ne voulais pas laisser tomber les chaussures (surtout que ça m'aurait privé d'accompagner les copines pour la séance du dimanche !), j'ai simplement glissé des séances orientées détente, pieds nus.

Au départ l'expérience n'était pas très gênante car ça interférait peu avec mes séances plus classiques. Mais quand j'ai pu commencer à courir plus de 3 km, et un peu plus tard quand j'ai pu commencer à aller plus vite (c'est magique comme on se sent léger lorsqu'on court vite pieds nus !), alors la course chaussée a commencé à se révéler moins agréable, c'est devenu un peu critique.

Arrive le moment où il faut choisir : on n'a plus très envie de courir avec des chaussures, mais il est un peu tôt pour basculer complètement. Ou si on le fait il faut accepter de freiner un peu l'entraînement. Ça m'a un peu fait penser aux courbes de croissance logistiques et à la phase d'accélération assez forte entre la phase de croissance lente initiale et le palier ensuite. Un moment où tout s'accélère.

C'est là qu'un dernier élément très important a joué un rôle clé. L'automne dernier j'ai commencé à ressentir une gêne au niveau de l'aine ou des adducteurs. Pas grand chose, ça ne m'a pas empêché de courir (ça arrive de temps en temps une petite gêne, mais depuis 5-6 ans je les gère en général sans devoir arrêter), mais assez pour que je freine côté intensité et décide de me contenter d'accompagner les copains / copines sur les cross cet hiver.

Du coup, cette expérience pieds nus est arrivée à un moment où je n'avais pas d'objectif, et où il m'importait relativement peu de ne pas pouvoir m'entraîner de façon intensive. Et ça, ça a été vraiment déterminant, car je pouvais m'adapter beaucoup plus facilement, lever le pied si nécessaire.

Je crois que ça doit être très difficile de concilier une transition vers le minimalisme / pieds nus et le souhait de ne rien perdre sur le moment de son niveau. Le dernier truc qui m'a fait basculer complètement, je crois que c'est de voir que Manu courait pieds nus, sans soucis et sans avoir abandonné l'envie de courir (très !) vite, de conserver et améliorer son niveau, de faire des compétitions. Le RIB m'a beaucoup aidé via cette expérience vécue et via les très bons conseils de Daniel. Un grand merci !

Mon parcours est finalement assez classique pour quelqu'un qui vient à la course pieds nus après avoir couru chaussé. La différence avec beaucoup de coureurs qui ont tenté cette transition, c’est d'avoir rapidement laissé de côté le minimalisme pour passer aux pieds nus, et d'avoir commencé cette transition dans un moment sans objectifs ni ambition. J’ai ainsi limité « la casse » !

Si j'avais deux conseils à donner ce seraient ceux-ci :
1) commencer pieds nus.
2) se donner quelques mois sans autre objectif que cette transition.

Je trottinais pieds nus sur une courte distance puis je remettais les chaussures sur cette même distance. Pendant un bout de temps je cumulais simplement quelques centaines de mètres, puis ça s'est débloqué quasiment d'un coup pour passer à 2 km d'une seule traite. Ensuite ça a été assez vite finalement. La réintroduction de vitesses plus soutenues est aussi arrivée assez soudainement, un jour où on se sent bien et où on commence à accélérer progressivement. J'ai remarqué d'ailleurs que mes footings pieds nus sont toujours beaucoup plus progressifs que chaussés : départ très tranquille, et accélération progressive sans même s'en apercevoir jusqu'à un certain seuil.

Peut-être encore notre corps qui dans sa grande sagesse sait parfaitement gérer le besoin d'une mise en route progressive. D'ailleurs, même chaussé, ça se passe toujours mieux et on est plus performant si on prend le temps de démarrer plus tranquillement. Mais avec les chaussures on a peu de signaux si on part trop vite, du coup on se fait avoir souvent...

Je cours souvent sur une boucle de 1 km (autour de mon lieu de travail, le midi), dont le revêtement est variable : plus ou moins agressif selon les endroits, et avec des zones (virages, sorties de parking) collectant un peu les graviers. Une chose qui a bien marqué ma progression est lorsque je me suis aperçu que je n'avais plus besoin de ralentir dans ces zones, que je n'y faisais plus attention (même si on continu à ressentir toutes les différences de texture). Ça a à peu près coïncidé avec le fait de commencer à aller plus vite. C'est amusant car les graviers qui se collaient aux pieds au début ne collent plus maintenant. A noter aussi qu'une fois les pieds habitués en mode course lente, le fait de commencer à accélérer a remis les douleurs de plante et de mollet à l'ordre du jour. Il faut de nouveau s'adapter.

Aujourd'hui je peux courir 7-8 km pieds nus avec beaucoup de plaisir, y compris avec quelques km plus rapides.

Pour ceux qui ont un très bon niveau et qui ne voudraient pas perdre le bénéfice de longues séances d’entrainements en raccourcissant les séances, voici le conseil d’un autre coureur pour faire la transition vers la course pieds nus :

« Je courais déjà régulièrement à l'époque. 3 sorties par semaine de 7-8 km, et une autre plus longue de 15 à 25 km. Hors de question que je ralentisse...

J'ai donc simplement continué mes sorties comme d'habitude. Mais à 1 km de la fin, j'enlevais mes chaussures et je finissais les chaussures à la main. Et semaine après semaine j'ai ajouté 500 m, puis 1 km, et de plus en plus. On arrive rapidement à faire ses sorties courtes, pieds nus, et doucement la longue. C’est vrai que j'ai un peu raccourci la sortie longue, et que j'ai mis à nouveau 2 ou 3 mois avant de courir à nouveau les mêmes distances : Mais ça a été la seule concession. »